Le rire, la moquerie, la dérision sont des entreprises de purification, de
déblaiement. Ils préparent des salubrités futures. ( Romain GARY )



vendredi 10 avril 2020

Restons mobilisés, solidaires mais conscients de notre propre fragilité et de celle de notre pays …








Le SARS-CoV-2 est un banal virus provoquant une banale maladie, le Covid-19, très contagieuse et parfois mortelle. Ce minuscule virus est en train de provoquer un bouleversement sans pareil de notre société, plus encore, un bouleversement sans pareil de notre vision de nous-mêmes et du monde.
Les frontières se ferment, l’Etat-providence est vanté par ceux qui le stigmatisaient hier, les services publics sont soudain réhabilités et ce n’est qu’un début.
Nous nous croyons capables de tout comprendre de l’univers, d’organiser le monde à notre convenance, de braver la nature, de rendre les hommes immortels. Toujours le même orgueil insensé. Nous ne sommes pas tout-puissants. Aussi savants que nous soyons, les limites de l’inconnu reculent au fur et à mesure des progrès de la connaissance.  
La crise sanitaire est en train de provoquer une crise économique, financière, sociale, politique, humaine… en un mot, une crise anthropologique. L’anthropologie est une science difficile car le sujet observant est aussi l’objet observé.  
Si le débat politique pouvait être élargi peut-être que des réponses nous amèneraient à repenser notre mode de production, à revoir le système économique et à repenser un projet de société face à la menace sur l'environnement, les épidémies et la paix sociale. Malheureusement, ces interrogations semblent encore hors de l’agenda, hors de sujets à traiter par des faiseurs d’opinion : journalistes, commentateurs des médias et politiciens. 
Depuis plus d'un an, médecins, infirmières, chercheurs se mobilisent pour protester et dénoncent la dégradation des hôpitaux publics !  
Au nom de l'efficacité économique, de nombreux hôpitaux en France ont été fermés, les coûts de fonctionnement des hôpitaux ont été réduits et les ressources pour la recherche scientifique aussi. Il y a quelques mois, tous les chefs de service des hôpitaux publics en France ont démissionné collectivement pour protester contre la politique néolibérale du gouvernement Macron.
Cela étant rappelé, l’histoire montre que l’épidémie terminée, le cours du monde reprendra alors qu’il devrait y avoir un avant et un après la crise.  
Il existe des domaines d’activité et de production qu’un pays développé ne saurait en aucun cas sous-traiter ou délocaliser, à commencer par la santé et l’alimentation. Les Français viennent de découvrir avec effarement que nombre de nos médicaments et de nos équipements de production proviennent en quasi-totalité de Chine. Ceci n’est plus acceptable.  
Notre état, si prompt à intervenir dans les moindres détails de notre organisation collective, n’a pas été prêt à faire face à une situation de crise majeure et soudaine. Nous sommes en guerre, peut-être, mais nous constatons une impréparation totale et une incapacité de mobiliser nos forces économiques. Les bonnes volontés se sont manifestées mais il manque l’impulsion que l’on connaît en temps de guerre.  
Le confinement va avoir un coût extraordinaire, supérieur sans doute à 100 milliards d’euros. Il ne sert à rien de le dissimuler aux Français. « L’Etat paiera » est une formule trompeuse. L’argent de l’Etat n’est rien d’autre que le produit du travail des citoyens. Un homme d’Etat a le devoir supérieur de dire la vérité ; protéger n’est pas mentir. Nous ne pourrons pas nous permettre de prendre nos vacances cet été comme si rien ne s’était passé. Il faudra travailler pour rattraper une partie de la production perdue et cela, sans prime.  

Restons mobilisés, solidaires mais conscients de notre propre fragilité et de celle de notre pays …



Patrick JOURON


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